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-- Téléchargez Corps communs : une déambulation collective/4 en PDF --


Et si l’œuvre d’art nous aidait à imaginer des façons d’avancer ensemble à la fois plurielle et humaine à l’heure des mouvements sociaux, des marches et mouvement de foules ? Nous observerions ainsi comment se compose et se déploie un mouvement d’ensemble, un corps commun en marche ; une composition poétique d’un élan collectif. 

Bee wave

A la suite d’une émission sur France Culture sur le comportement des foules avec le chercheur en science cognitive et éthologue Medhi Moussaïd.(https://www.franceculture.fr/personne/mehdi-moussaid) j’ai imaginé une nouvelle dimension aux Corps communs. : une matrice regroupant des personnes très proches les unes des autres qui se comportent non pas individuellement mais comme un ensemble régi par sa dynamique interne à l’image des corps collés dans le métro à l’heure de pointe ; se mouvant – comme l’herbe au vent-  de concert.

Moussaïd décrit la foule comme un ensemble d’individus en interaction soumis à une certaine densité (lorsqu’il y a deux à trois personnes par mètre carré on peut parler d’une foule). Pour étudier la foule il se réfère à différents champs disciplinaires : les phénomènes de turbulence, le comportement de la matière grain de sable, les déplacements des bancs de poisson, la mécanique des fluides, le conformisme chez l’individu, l’intelligence collective … nourrissent sa réflexion et ses modélisations. Cette ouverture et interdisciplinarité scientifique donne toute sa pertinence et richesse à son étude.

A mon tour, j’ai cherché comment je pouvais créer une structure concrète permettant de vivre à plusieurs une expérience inspirée de la foule. Observant le tressage d’un tissu élasthanne, j’ai eu l’idée de réaliser une trame souple en très grand. J’ai ainsi construit avec un textile 3D – contenant et étirable dans les différents sens de la maille – un modèle pourvu d’alvéoles dans lesquelles prennent place des participants. La structure portée à mi corps permet à chacun d’avoir son espace à soi et de se sentir immergé dans un espace collectif à forte proximité.

Cette oeuvre, je l’ai intitulée Bee wave ; à l’image de la nuée, de la vague ou encore de l’essaim. Il s’agit d’inventer ensemble une déambulation collective entre marche et création : avancer ensemble et accueillir les initiatives comme un élan commun. Que se passe-t-il alors en terme de mouvements, de territoires, de sensations, d’échanges ? Quelle création vivante peut émerger de cet essaim humain ? 

Cette déambulation à plusieurs nous donne à voir comment Bee wave se compose et se déploie ; comment chacun se place, se déplace, entraîne ou se laisse porter… la matrice opère comme un liant, nécessaire au maintien et à la préservation de cet unisson. Bee wave est une matrice cinétique mais aussi scénique. L’espace alvéolaire de Bee wave se prête à une dynamique commune tout en définissant un espace personnel à chacun. Elle peut accueillir de nombreuses possibilités d’appropriations, de jeux, d’échanges, de dialogues, de circulations, … autrement dit Bee wave est un territoire hospitalié de création dans lequel on peut inviter d’autres artistes ou partenaires à collaborer. 

Le projet d’activer en mars (2020) Bee wave dans Paris – en partenariat avec la Gleichapel (Paris 3e) et le Salon h (Paris 5e) – a été rendu impossible en raison de la situation sanitaire et pandémique actuelle (covid-19). Le principe même de l’oeuvre – un regroupement dans une proximité forte, une marche dans l’espace publique- était à l’antithèse du raisonnable. D’autres regroupements sont apparus alors dans l’espace public – virtuel cette fois – des rassemblements de danseurs, de musiciens autour d’une oeuvre interprétée à plusieurs chacun chez soi (cf: Opéra de paris). Le projet myowndocumenta.art est également apparu dans cette période comme un territoire fertile – offert aux artistes – à semer et cultiver collectivement. L’oeuvre commune ou collaborative demeure possible même à distance ; elle crée du lien, génère de l’inventivité et de la surprise chez les spectateurs. Cette force artistique collective demeure bien vivante et transmissible.

Bee wave devra patienter encore un peu pour se réaliser, attendre ce printemps planétaire où nous pourrons enfin sortir de nouveau, nous rassembler, se côtoyer sans risque et sans crainte… Artistes, chercheurs, amateurs, organisateurs, vous êtes tous les bienvenues et nous vous attendons !

 

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