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-- Téléchargez Corps communs : une expérience esthétique à géométrie variable /1 en PDF --


Si l’œuvre d’art nous aidait à imaginer des possibles, grâce à elle, nous pourrions concrétiser certaines abstractions en les modélisant en trois dimensions. Il s’agirait ainsi d’aborder l’œuvre ; sa forme, les forces qui l’agissent, l’espace qui l’accueille, le temps qui la transforme, comme un moyen d’exploration et de découverte. Et si cette approche expérimentale de l’œuvre, avant tout esthétique, était également une vision partageable, une source de modélisation et d’inspiration pour d’autres disciplines ?

Cette approche de l’art comme expérience, je la mets en pratique dans ma création. Depuis plusieurs années, j’invente des expériences sensibles et altruistes sous forme de performances participatives. Depuis 2015, je travaille sur la notion de Corps communs. Corps communs est une série d’œuvres imaginées et structurées pour permettre à plusieurs personnes de vivre une expérience collective et humaniste d’un corps pluriel et partagé. Corps communs est donc un concept qui a pris forme et concrétise certaines pensées actuelles comme celles de coexistence, d’interdépendance, d’intelligence collective, de coopération ou encore celle d’accordage.
Je conçois pour cela des structures contenantes et élastiques qui matérialisent les liens d’interdépendances. Ces liens qui relient et bordent les corps sont aussi des lignes composant une figure géométrique. Nous pouvons ainsi en changeant de plan d’observation passer d’une dimension sociale à une dimension physique. : Les liens et le mouvement de ce corps communautaire animé composent ainsi une figure géométrique aux axes et trajectoires multiples.
Les corps communs ont une morphologie dynamique et se transforment en continu dans les limites extensibles qui sont les leurs, sans que l’on puisse prédire les mutations, car à la différence d’un spectacle, l’action est improvisée. Intégrant la déformation, l’aléatoire, les changements de coordonnées, les adaptations à l’espace et au temps relatif à l’expérience… Les corps communs s’inventent par impulsion, ajustement, développement et spontanéité. Il peuvent être aussi soumis à un encadrement, un protocole qui donne un étayage et une direction précise à son déploiement suivant le projet, l’objet de la recherche, le lieu, les participants…

L’ exploration des Corps communs relève d’une expérience esthétique – sensible et réflexive : en modélisant l’espace et les liens qui nous relient , nous bordent nous sommes en mesure de représenter nos interactions sociales, nos mouvements collectifs et d’observer ce qui les rend compliqués ou au contraire accordés. Les Corps communs serait alors en mesure de nous donner une vision de ce que pourrait être un corps étayant et émancipateur.

Corps communs/10 est une forme stimulante qui nous permet d’observer comment des corps se comportent dans un ensemble et comment nous pourrions réfléchir à des manières de rendre harmonieux ce mouvement d’ensemble…

Corps commun/10

En 2017, j’ai eu l’opportunité de réaliser Corps commun pour dix corps grâce au soutien de mon équipe de recherche Art & Flux (UMR acte) dans le cadre de l’ANR ABRIR. Ce Corps commun/10 est configuré en cercle comme un organisme cellulaire, avec une membrane externe commune, dix cellules individuelles pour les corps, reliées au centre par des liens élastiques en cercles concentriques. Une fois les personnes installées dans le cercle, il s’agit de faire l’expérience d’interdépendance de nos corps reliés. Chaque participant est en mesure de sentir sa capacité d’impulser, de suivre, de résister ou de contenir un mouvement. L’ensemble de ces mouvements individuels (actifs ou passifs) se répercute sur l’ensemble de la structure et se décrit en termes de dynamique (stable ou tonique), de crise (saillance, contraction) et de détente (plis, dilatation). Il s’agit alors pour ce grand corps d’évoluer dans l’espace donné au grès des interactions et des orientations, des trajectoires et des clivages, en prenant conscience que notre centre de gravité personnel est déplacé vers le centre névralgique de Corps commun/10. Il s’agit alors de se situer par rapport à lui en stabilisant les écarts et les chocs des corps que chaque participant fait peser sur la structure et qui constituent son intensité et sa synergie singulière.

Vu du dessus et à distance, Corps commun/10 – avec son instabilité et sa tension intérieure- apparaît comme une oscillation et un déploiement du contour de la forme. C’est ce qui nous conduit à chercher des analogies avec la représentation d’un corps vivant, d’un organisme, d’un univers. Nous sommes ainsi renvoyés à notre imaginaire et à certaines métaphores avec le monde visible ou invisible, comme si nous observions la structure d’une chose ou d’un phénomène vivant à un niveau macroscopique ou microscopique : observer le diagramme d’une structure florale, la morphogénèse d’un organisme, la gravitation, le mouvement des électrons dans l’atome, des ondes électromagnétiques… Cette expérience en vue aérienne nous donne l’impression de pouvoir saisir quelque chose de tangible qui nous échappe habituellement : ce quelque chose de vivant, de vibratoire, de variable et d’imprévisible qui évolue dans l’espace et dans le temps. Ce quelque chose qui en même temps se maintient dans une forme géométrique précise et circonscrite.

la vidéo présentée a été tournée au T2G en 2017.

 

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