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-- Téléchargez Corps commun : une expérience esthétique à partager /3 en PDF --


« Prendre soin sous-entend la perspective d’une présence conjointe et relationnelle d’une personne, qui est sujet du soin, et d’une autre, l’objet du soin. Comment l’art répond-il à cette question du prendre soin si ce n’est en pensant cette relation, celle d’un besoin du soin, d’une prise en compte d’autrui et d’une responsabilité réciproque d’écouter et d’apporter ce dont l’autre a besoin. » Cynthia Fleury*

Dans la posture conceptuelle du “prendre soin”, j’ai conçu en 2016 Corps communs, un ensemble d’œuvre performative et participative ; utopie d’un corps commun, par le biais duquel nous nous déplacerions de concert, échangerions, pour nous mettre au diapason et nous sentir sur la même longueur d’onde (cf articles précédent myowndocumenta /1 et /2). 

Corps communs sont des sculptures-structures contenantes et mobiles, constituées de sangles et d’élastiques, pour accueillir des corps et les relier, afin de générer une rencontre. Les participants sont connectés physiquement à distance et construisent un échange, à l’écoute des sensations, des mouvements, des envies qui se communiquent grâce aux corps et au travers des liens. Les Corps communs pourraient ainsi être définis comme des facilitateurs d’accordage, des conducteurs d’empathie dans la mesure où ces expériences inter-corporelles et inter-personnelles – en s’appuyant sur ce jeu de complémentarité et de similitude des partenaires – favorisent la connaissance d’autrui dans une création commune. 

Les premières Corps communs se sont concrétisés par des oeuvres performatives pour un nombre limité de personnes. J’ai commencé mes recherches sur des liens plus resserrés et centraux dans notre rapport au monde qui répondent plus précisément à la problématique d’une attention réciproque ; la relation à deux étant la première dimension de l’échange. Qu’est-ce qui se joue à deux ? Ce lien matriciel du portage et du bercement, ce lien vital et dansant d’être avec l’autre ou inversement, ce lien de tensions, de défiance et de rapports de forces du face à face sont constitutifs de la relation dialogique.

<strong> Tiger dance </strong>

L’un des premiers Corps commun pour deux se nomme Tiger dance (2016) : j’avais à l’esprit avec Tiger dance une image d’un corps connecté qui projette son avatar virtuel : les deux corps reliés coordonnent leur geste en complémentarité et en miroir et se découvrent en inventant une danse à deux mimétique et empathique. Reliés à 1m50 de distance par des élastiques colorés fixés à différents points du corps – poignets, coudes, chevilles, genoux, ventre  – il s’agit d’explorer l’espace de la rencontre incitative mais toujours libre. 

Tiger dance (2020) est une version simplifiée de l’oeuvre performative. Elle permet un accès simple à l’expérience tout en conservant le principe de l’oeuvre tant dans son esthétique que dans ses effets. J’ai confié en février 2020 cette nouvelle version à une performeuse (Bonnie Tchien) et une jeune danseuse (Charlotte Tassin) dans l’idée d’aborder dans une performance cette question du lien de transmission entre deux générations : comment nous accompagnons dans l’apprentissage et comment nous sommes conduits en retour. Tiger dance permet de sublimer ce lien générationnel grâce au style personnel de chacune et la complicité nécessaire et induite par le dispositif. 

L’oeuvre se structure en fonction de certaines préconisations induites par le lieu et de la musique et s’élabore grâce à l’improvisation des performeuses dont Tiger dance est un vecteur d’interaction, d’écoute réciproque, de réaction adaptée, d’effet miroir, … 

Tiger dance ouvre un champ d’expérimentation de notre co-présence : notre intersubjectivité, l’échoïsation de nos gestes, la synchronisation de nos désirs. Cette construction élaborée ensemble met en évidence ce qui est commun entre nous grâce à une forme d’empathie kinesthésique mais elle laisse aussi apparaitre cette singularité de chacun(e), ce que nous offrons et mettons en partage avec l’autre. 

* Fleury Cynthia, Introduction à la philosophie à l’hôpital, https://chaire-philo.fr/cours-magistral-2016-2017. Recherche effectuée en janvier 2017.

Tiger dance est interprété par Bonnie Tchien, Charlotte Tassin à la Galerie 24 Beaubourg dans le cadre du Salon Turbulences #2. Février 2020

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