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Peu avant mi-mars, il faisait beau dans Paris. Le soleil tardait. Nous sommes allés boire un verre à Montorgueil. Le soir se sentait seul dans le tintement silencieux de la vaisselle. Autour de nous, les gens s’étaient défaits du bruit ambiant ; je n’aimais pas ce calme qui confessait faussement aux tables des méchancetés regrettées.

Et puis si vite Paris dut obéir à un vide serviable.
Sans défaut les gens sont chez eux, les femmes en rôle, les enfants sages sous la menace sourde du temps. La mère cuisine son poulet aux prunes amères. Les voisins qui papotent et s’épient sont satisfaits. Les caméras leur montrent un monde content sortant avec son attestation de nécessité. Au 20h, l’état des peines dressées soulage ceux qui les prennent pas. Que les sauvages payent.

Chacun dîne et dort chez soi.
Le plan de la ville de Paris est à diamètre de nombril. Les pas au métronome suivent une petite course et reviennent rapidement sur eux-mêmes.

Les jours restreints s’arrangent pour rallonger.
Il n’y a plus aucune nuit annoncée. Il n’y a plus aucun train au départ dans Paris disparaissant. Le panneau des arrivées ne parle plus des vents bretons ou du soleil du sud. Pas de café-crème pour fêter les amis lointains. Les quais sans personnes ne sont plus que des rues sans noms.

Le soir, j’écris des mots à tue tête pour qu’ils restent intacts quand le confinement sera fini.
Café-crème ; apéro ; Paris ; Gare Montparnasse ; liberté de ne pas être harcelé par l’heure dans la rue ; liberté d’aller et venir-de se perdre ou de faire semblant de se perdre ; liberté de regarder les passants ; liberté de s’en moquer ou de les trouver beaux à avoir envie de les peindre ; liberté d’acheter des pinceaux et des couleurs sans que nécessité s’en suive ; liberté de se revoir ; liberté de manifester ; encore liberté.

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